lundi 9 novembre 2009

Regards

Petite histoire vraie : Une jeune Rwandaise étudiant en France depuis plusieurs années fait un séjour d’un mois dans la Creuse à l’occasion d’un job d’été en centre de vacances.

A son retour, je l’interroge : « Tu as été en Creuse. Alors ! C’était comment ? »

Réponse, après un petit temps de réflexion :
- « Euh, c’est très la campagne, quand même ! »
- « Ah oui ! Effectivement, c’est « très » la campagne… Que veux-tu dire par là ? »

Nouveau temps de réflexion, avant de répondre :
- Il y a surtout des vieux, des chevaux et des cimetières… »

La question du regard me fascine depuis longtemps. Elle nous en apprend autant sur celui qui regarde que sur la réalité regardée. Elle détermine même pour une bonne part notre spiritualité. Avec quels yeux regardons-nous le monde dans lequel nous sommes engagés ?

Dis-moi comment tu regardes et je te dirai qui tu es !

mardi 27 octobre 2009

Jessica

De Marcel, un collègue oblat à Orly, ce "petit rien" :

Au 3ème étage de mon immeuble, habite un couple avec deux enfants dont une jeune fille d’une vingtaine d’années, handicapée mentale profonde.

Le samedi, quand elle rentre de son centre d’Alfortville accompagnée de sa maman, elle crie très très fort. Souvent, je la rencontre avec sa maman quand elle rentre du centre. Avant ce fameux samedi matin, je les saluais, sans plus, alors que les cris de la jeune fille m’impressionnaient.

Un jour, j’entends sa mère lui dire : « Alors, tu viens, Jessica ». La semaine suivante, je rencontre de nouveau Jessica et sa maman et je dis : « bonjour Jessica ! » Aussitôt la maman me regarde, étonnée. Moi : « Oui je connais le prénom de votre fille ; j’ai entendu dernièrement que vous l’appeliez « Jessica ».»

Du coup, la maman se met à me parler de Jessica, de son centre, des vacances où elle aime aller en Normandie avec d’autres jeunes handicapés. Elle me parle aussi de son plus jeune frère, Illian, en classe à l’école Paul Eluard. Et elle me dit : « vous savez, quand Jessica crie à son retour du centre, c’est qu’elle est heureuse ; elle exprime sa joie ».

Moi : « Eh ! bien merci de me dire ça, je ne vais plus l’entendre de la même manière quand elle rentrera de son centre ». Parabole de vie

vendredi 20 mars 2009

Amitié

On se voit très régulièrement tous les... 2 ans. Elle, depuis son sud ensoleillé-façon-carte-postale, et moi dans mon ch'nord, ensoleillé-mais-un-peu-moins-quand-même : rendez-vous professionnel complice qui nous réunit le temps d'une ou deux journées de travail autour d'une présentation du bouddhisme. Puis nous repartons sous nos cieux respectifs. On sait qu'on se retrouvera dans deux ans.

Et à chaque fois, la même impression : deux amis qui se retrouvent comme s'ils s'étaient quittés la veille ; une même longue d'ondes pour partager joies et espoirs, tristesses et angoisses, simplement, parce que la vie grandit quand on la partage ; quelque chose comme une communion que la distance n'abolit pas, mais au contraire, nourrit.

C'est une bien mystérieuse réalité humaine que l'amitié ! On voudrait bien la saisir, mais c'est elle qui nous surprend. Elle nous cueille au détour du chemin et nous tourne avec confiance vers demain, vers nous-mêmes et vers ailleurs. Au fond, les amis, on ne les choisit pas ; ils nous sont donnés : rayons d'un soleil qui se laisse accueillir, cadeau qui se laisse cueillir. Merci, la Vie !

mercredi 11 mars 2009

Résister ?

Abusée, violée, avortée et fille d’excommuniée alors que son âge n’aligne pas encore deux chiffres au compteur. On ne part pas à égalité dans l’existence, c’est le moins que l’on puisse dire. J'espère que cette petite fille brésilienne dont je ne connais pas le nom, croisera un jour sur sa route, la notion de "résilience" ; elle risque d'en avoir besoin !

Faut-il chercher à comprendre la décision et les propos d’un évêque brésilien et de son compère cardinal à Rome qui ne semblent même pas se souvenir de la doctrine morale classique du moindre mal ? En jonglant méticuleusement avec leur argutie théologico-casuististique, on finirait sans doute par leur donner raison, comme pour ce prêtre nantais qui a récemment refusé un baptême, comme pour ce pape docteur es-désexcommunication. Et puis de toutes façons, ils ont le pouvoir ! Alors...

Pourtant en moi grandit une gène jusqu’au ras-le-bol ; plus envie de discuter. Quand le sens contredit le bon sens, la parole devient orpheline, et nous découvrons qu’il nous faut peut-être désapprendre à être gentils.

Car, après tout, qu’avons-nous fait depuis toutes ces années, sinon chercher coûte que coûte à avancer en ecclésialité : refuser les armes de nos adversaires, ne pas céder à la tentation des dénonciations anonymes, des pressions morales, politiques ou… physiques ; l’un des nôtres est bien placé pour le savoir, qui s'est trouvé un jour séquestré dans sa sacristie, le temps d'une messe en latin expédiée manu militari, l'expression n'étant pas excessive !

A l’image des chrétiens de St Nicolas du Chardonnet - les vrais, virés comme des malpropres il y a trente-deux ans - nous nous réveillons aujourd’hui avec la désagréable impression d’être un peu les cocus de l’histoire.

Alors que faire ? Comment réagir ? Je ne sais pas très bien. De l'Evangile, j'entends l'appel à la fraternité universelle et je continuerai d'y croire et de militer pour. Dans le même temps, ayant bien peur qu'un seuil soit en train d'être franchi dans notre Eglise et dans notre société. j'entends l'appel à "résister". Il me vient d'une de mes « maîtres-à-vivre », Geneviève Anthonioz de Gaulle.

Comment ? Je ne sais pas trop… Si vous avez des idées, je suis preneur, dans la petite case "commentaires" ci-dessous !